Fiche de lecture - Antidote au culte de la performance
Olivier Hamant est directeur de recherche à l’INRAE (Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement) au sein de l’Ecole Normale Supérieure de Lyon.
Il est également engagé dans un programme de formation explorants les implications de l’Anthropocène et participe à des projets autour des questions de la complexité, la résilience et la fragilité des systèmes biologiques.
Il est l’auteur de ‘la troisième voie du vivant’ édité par Odile Jacob en 2022.
Il s’agit d’un livret édité en aout 2023 intitulé ‘antidote au culte de la performance’ et sous-titré ‘La robustesse du vivant’.
Il s’agit d’un tract critique sur le thème principal de l’écologie et du système de société capitaliste dans lequel nous vivons.
Résumé du texte
Après un partage des constats :
- notre monde bascule vers un monde fluctuant fait d’amplifications de d’incertitudes.
- Notre modèle de société faite de contrôle et optimisation pour générer toujours plus de performance en devient fragile à force d’en cacher les coûts : destruction des écosystèmes, des tissus social, guerres, perte de sens de l’humanité.
Olivier Hamant fait un parallèle entre les comportements de la nature (hétérogénéité, redondance, gâchis, lenteur et incohérence) et la voie de société alternative qu’il propose : la robustesse, alternative positive et engageante ce que n’est pas la voie de la sobriété selon lui (c’est là qu’il diverge avec Parrique qui fait la différence entre frugalité et sobriété).
Il donne comme définition à la robustesse la capacité à se maintenir stable sur le court terme et viable sur le long terme malgré les fluctuations.
Au cours de son livre, après avoir explorer les conséquences néfastes du capitalisme, puis les impasses du développement durable, il met à l’épreuve du principe de robustesse les préoccupations principales de l’humanité : agriculture, circularité des ressources, propriété, ingénierie, créativité, gestion des ressources, travail, santé, école et vision long terme.
Il termine son livre en répondant aux principales questions des opposants à sa proposition.
Les thèmes principaux
Le vivant n’est pas performant, il n’est ni efficace ni efficient. Le vivant est robuste en développant les stratégies quasiment opposé à ce que l’on observe dans notre société : hétérogénéité, processus aléatoire, lenteurs, délais, redondances, incohérences, erreurs et inachèvements.
L’optimisation n’a de sens que lorsque les contraintes sont connues et prévisibles. Dans le cas contraire, il faut l’éviter à tout prix.
Dans le vivant, la performance c’est surtout le risque d’un burn-out moléculaire.
A l’avenir, le progrès de l’humanité sera nécessairement guidé par des gains de robustesse, contre l’optimisation.
Ralentir, avoir une approche plus lente par nature fait passer un test de robustesse à nos questionnements.
Remplacer l’économie de la propriété par une économie d’usage, de partage.
Passer d’une démarche de décombustion à une démarche de recarbonation : utiliser les bactéries, les champignons, les plantes pour fabriquer la biomasse dont nous avons besoin, à leur rythme et sans menacer les écosystèmes.
Le travail est soumis à l’injonction de gain de productivité. Au lieu de profiter des gains de productivité, nous sommes incités à travailler plus pour gagner plus. Il faut surtout travailler moins pour vivre mieux.
Le salaire devient inconditionnel, dès la majorité, et ne dépend plus du niveau de qualification ou à une tâche ou une personne.
Pour un projet de société robuste, il est nécessaire d’alimenter la santé humaine, la santé sociale et la santé des milieux naturels, sans exception. L’objectif de santé oriente la production d’un modèle économique. Cela inverse la place du modèle économique. Mettre l’économie au service du bien-être des citoyens.
La robustesse passe aussi par l’importance de la transmission, des interactions, de l’éducation, de la culture, le débat contradictoire pour stimuler le regard critique.
En synthèse :
- Décision : tester la robustesse des questions avant de consolider les réponses
- Agriculture : ne plus exploiter les écosystèmes pour augmenter la production, mais produire pour nourrir les écosystèmes
- Circularité : rendre le gâchis neutre contre l’injonction d’efficience
- Propriété : du tout jetable individuel au tout-réparable partagé
- Ingénierie : du high-tech fragile et produit par un technocratie distante, au low-tech robuste apréhendable par les citoyens
- Créativité : faire de l’innovation un produit de la robustesse et non un carburant à la performance
- Ressources : de la matière pour gagner du temps, au temps pour préserver la matière
- Organisation : ne plus éviter les conflits pour son confort individuel, mais construire la robustesse du groupe sur les contradictions internes
- Travail : de travailler plus pour gagner plus, à travailler moins pour vivre mieux
- Santé : faire du modèle économique un produit de sortie, et non une contrainte d’entrée, grâce à la santé commune
- Long terme : ne plus “aller vers” mais “vivre avec “ et transmettre
- Ecole : de la compétition (dépasser les autres) à la coopération (se dépasser avec l’aide des autres).
Avis personnel
Le tract de Olivier Hamant est une bonne introduction aux contradictions de notre système de société actuel : il est court (une cinquantaine de pages), synthétique et en même temps donne les principaux éléments de compréhension.
Ce qui m’a particulièrement plu est l’invitation à observer le fonctionnement du vivant pour s’en inspirer pour un nouveau modèle de société.
La critique de la performance par l’épuisement et les coûts cachés sur les écosystèmes et le social rejoins le point de vue de Timothée Parrique.
Il y a quelques divergence comme la critique de la sobriété chez Hamant qu’il voit comme une stratégie non engageante. Timothée Parrique oppose la sobriété, qu’il voit comme une stratégie choisie donc engageante, à la frugalité qui est un comportement contraignant et non choisi.
Pour aller plus loin et plus ‘deep’, passez sur le livre ‘Ralentir ou perrir’ de Timothée Parrique.